“Un parc paysager et fruitier écologique ouvert au public”

Ingénieur de l'agriculture et de l'environnement, référente Agenda 21, Nathalie Delara (en cours d'affectation au lycée agricole Félix-Gaillard, à Salles-de-Barbezieux [16]) a accompagné une démarche co-construite de pratiques écologiques auprès de l'établissement public local (EPL) de Tournus (71). Ce lycée d'horticulture et du paysage du sud de la Bourgogne s'est lancé dans l'aventure dès 2008. Parmi les actions qu'il mène dans la veine du développement durable, il a imaginé, mis en oeuvre et aménagé un verger conservatoire écologique. « Ce projet s'ouvre sur de multiples thématiques autour de la biodiversité et des changements de pratiques », souligne Nathalie Delara. Les approches ont été étendues au parc du lycée (partiellement ouvert au public), à son arboretum (308 espèces) et au terrain de sport. « En 2009, un architecte paysagiste, Aleth de Crecy Koch, a été missionné pour la conception et la rédaction, avec les partenaires internes, des protocoles de gestion. »

Un cahier des charges, véritable référence et feuille de route, et des protocoles de gestion ont été établis pour la conception paysagère. L'objet de cette mission : (ré)intégrer les arbres fruitiers, porte-greffes et petits fruits dans le paysage et dans les jardins, ici au travers d'un verger libre et d'un verger clos. Une parcelle de 2,7 hectares jouxtant l'exploitation du lycée a servi de support pédagogique et d'écrin à ces ambitions paysagères associant la gestion écologique de plusieurs agro et écosystèmes. Les premiers arbres ont été plantés en février 2010. « Les aménagements, prenant en compte les écosystèmes existants, ont porté sur l'implantation de haies bocagères à partir de 18 essences locales en différentes strates, la construction de murets de pierres sèches et d'une cadole (ancienne cabane des vignobles de Bourgogne du Sud), l'ouverture des berges du ruisseau le Bief du Potet pour la restauration de sa ripisylve, la favorisation de la flore spontanée typique des zones humides, la définition d'une zone observatoire de friche naturelle... L'aménagement d'une zone humide est en cours. Tous ces travaux s'intègrent dans l'environnement des fruitiers. L'insertion de six ruches, l'arrivée prévue de bandes florales, le semis de mélanges de plantes prairiales, la réalisation d'hôtels à insectes et de zones refuge favorisent l'accueil d'auxiliaires naturels et de pollinisateurs. L'utilisation de compost lors des plantations puis de paillages permettent de protéger les sols, tandis qu'on travaille aussi sur la gestion de la qualité de l'eau », poursuit Nathalie Delara. Une réflexion est en cours sur l'évolution des productions intégrant le verger : plants maraîchers, vivaces, aromatiques et médicinales, petits fruits. Une ouverture transversale s'est mise en place avec la ville de Tournus et en particulier le service des espaces verts : le verger sert de support à des formations communes pour les personnels de l'établissement et les agents techniques de la ville, à des chantiers écoles pour les élèves en concertation avec la commune, à des projets communs de valorisation touristique (sentier de randonnée et verger) et écologique (restauration du Bief du Potet à l'échelle de son bassin versant)...

Un support pédagogique pour de multiples activités. Pendant toutes les phases de conception et d'aménagement, ce verger a servi de support pour toutes les formations, de la phase d'étude à la réalisation. Dans le cadre de chantiers communs, les participants aux formations en « Productions horticoles » ont eu l'occasion de travailler avec ceux des métiers dédiés à l'utilisation des végétaux (« Aménagements paysagers »). Cette démarche a mobilisé les apprentis en BTSA « Aménagements paysagers » aux côtés de l'architecte-paysagiste, les élèves de seconde « Nature, jardin, paysage et forêt », les bac pro « Aménagements paysagers »...., soit 250 heures pour l'année 2011-2012, prises sur le cursus scolaire. Le transfert des connaissances, l'application immédiate des référentiels, la découverte de l'évolution des métiers sont concrets. Les apprenants ont découvert les arbres fruitiers et ligneux, les plantes prairiales spontanées, la maçonnerie paysagère, l'histoire et les savoirfaire locaux, l'hydrologie, la conception et la gestion écologique des espaces verts, les travaux d'inventaires, l'histoire des paysages, la biodiversité ordinaire, la diversité génétique, la pédagogie par l'action, l'alimentation et l'agronomie, l'urbanisme, le tourisme, l'économie, la connaissance des sols, l'arboriculture biologique, la maçonnerie en pierre sèche, l'apiculture...

Des liens se sont tissés avec l'organisme de recherche Agrosup Dijon autour du sujet central, les plantes couvre-sols en arboriculture fruitière, avec une sélection de plantes proposées par les étudiants. Les résultats d'expérimentations peuvent servir de référence pour les professionnels et les villes de Bourgogne. L'intégration du RMT « Agriculture et biodiversité » concrétise la démarche de développement de l'agriculture biologique. Les élèves deviennent des ambassadeurs en aménagement et gestion paysagère en intégrant les arbres fruitiers comme élément ornemental complémentaire.

Les rapprochements et les liens se renforcent aussi entre les équipes pédagogiques (paysage, horticulture, agroéquipement...), l'exploitation horticole avec son responsable François Pelletier (aujourd'hui à la retraite), et celles du parc-verger paysager : le végétal devient plus que jamais le point de rencontre des formations professionnelles et technologiques. Il s'agit de concrétiser une cohérence pédagogique entre connaissances, productions et utilisations des végétaux.

L'exploitation horticole évolue dans ses roductions, surtout florales au départ, puis maraîchères (en agriculture bio depuis 2009), elle élargit sa palette avec des vivaces, aromatiques et petits fruits. L'objectif pour les élèves est de consommer les fruits au restaurant du lycée. Le projet a par ailleurs créé du lien social. Il a fait l'objet d'enquêtes menées par les étudiants de seconde générale et technologique auprès des habitants pour découvrir le patrimoine des vergers familiaux. Trois jeunes en BTS « Aménagements paysagers » ont aidé les élèves d'une classe de maternelle à implanter divers arbustes d'une des haies bocagères et des habitants ont donné des pierres sèches, ressource locale traditionnellement abondante mais aujourd'hui recherchée. Et ce lien perdure. « Parc paysager et fruitier écologique ouvert au public, le verger reste le support de formations, d'animations, du développement du territoire, de sensibilisations à l'écologie et au paysage dans le cadre de la politique du Pays Sud Bourgogne, de la valorisation patrimoniale du Pays d'art et d'histoire entre Cluny et Tournus validé par le ministère de la Culture. C'est aussi le lieu de rencontres et d'échanges pour les vergers conservatoires impulsés par la région », ajoute la chargée de mission.

En récompense de tout le travail effectué, la cohérence du projet l'a rendu éligible à plusieurs dispositifs territoriaux : taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS) du conseil général de Saône-et-Loire, fonds européens pour la valorisation de la biodiversité ordinaire en Pays Sud Bourgogne, sensibilisation dans le cadre du contrat de rivières du Mâconnais. Il a également reçu le label ÉcoJardin de Plante & Cité le 14 décembre 2012 pour sa gestion écologique. Et il est maintenant inscrit dans le guide touristique du sud de la Bourgogne. Il devient référence et sujet de communication, comme il l'a été dans le cadre d'une formation européenne « greening jobs » d'AgroSup Dijon, de la réalisation du film de la Bergerie nationale « Dessine-moi un paysage bio », ou en février dernier lors du congrès annuel national d'Hortipaysage (réseau « Horticulture et paysage ») des établissements publics et privés agricoles...

Cet espace reste en création permanente. Un projet est en cours de réflexion : l'interprétation de l'usage des simples à l'Hôtel-Dieu au musée Greuze de Tournus est prévu en continuité entre la visite de l'herboristerie du musée et la découverte des plantes médicinales du verger écologique du lycée. La requalification d'une entrée et sortie de Tournus est envisagée : grâce aux places de parking, le verger et le sentier pédestre du vallon de Julienne seront reliés. Et la démarche essaime : la ville de Tournus travaille sur le bassin versant du Bief du Potet pour la qualité de l'eau ; elle trouve écho dans la charte architecturale et paysagère qui concerne le Pays d'art et d'histoire entre Cluny et Tournus.

Odile Maillard

www.epl-tournus.educagri.fr www.lienhorticole.fr Retrouvez le verger conservatoire écologique de l'EPL de Tournus en rubrique Photos&Vidéos.